Parisiens originaires de Province, étudiants contraints d’aller « à la ville » pour passer au diplôme suivant, les TGV du vendredi soir sont pleins de ces expatriés en route vers leur terre d’origine, celle que l’on n’oublie pas, celle que l’on ne renie jamais, celle dont on sait prononcer les noms des lieudits. Et cette procession d’enfants prodigues donne lieu à certains rituels, nécessaires avant de reprendre la vie trépidante qui est leur quotidien, lorsque s’achève cette parenthèse ravigotante sur la terre de leurs ancêtres.

On va chez le coiffeur

La vraie difficulté de couper le cordon se mesure souvent à l’attachement presque pathologique que l’on a pour le salon de coiffure de son adolescence. Par ailleurs, laisser un peu de temps avant de retrouver ses collègues « bien dégagé derrières les oreilles » permet de réduire drastiquement les « Tiens… T’as été chez le coiffeur? »

On fait les grosses lessives

C’est sûr que cette doudoune, vous auriez pu la laver chez vous, mais la maîtrise aigüe de votre maman des différents programmes de la machine vous a incité à patienter. Vous repartirez lundi avec un pardessus propre, fleurant bon l’adoucissant et ingénieusement plié.

On prend des nouvelles de ses camarades de 4ème

Souvent indirectement, par votre mère qui a croisé des amis de ses parents à Leclerc. « Qui ça ? La petite brune qui habitait près de la mairie ? Elle est enceinte ? De jumeaux ? Et t’as appris ça au rayon surgelés ? »

On se renseigne sur l'immobilier

Et on compare avec les prix au mètre carré dans notre cité d’adoption. On n’a ni l’intention d’acheter près de son lieu de travail (« c’est devenu hors de prix! ») ni là où on a grandi, mais c’est rassurant de voir que ces différences subsistent, on a l’impression d’être parti loin.

On prend une cuite

On y coupe pas, les vieux potes, les bars dans lesquels on a plus souvent vomi que payé l’addition, le plaisir de revenir sur les tabourets de bar de sa jeunesse avec un pouvoir d’achat plus conséquent… L’engrenage.

On se comporte comme un touriste

Par quel mécanisme étrange ces promenades rurales ou ces découvertes du patrimoine architectural de votre ville de naissance présenteraient davantage d’intérêt que lorsque vous les évitiez soigneusement, il y a encore quelques années ? Mystère. Mais vous leur laissez leur chance.

On dépense plein de fric

Derrière cette inconsciente propension à sortir la carte bleue se cache certainement un réflexe tribal consistant à rapatrier des euros de la grande ville à son bled d’origine, tel un travailleur migrant chinois qui compresse ses dépenses pendant qu’il travaille pour ramener des ressources indispensable au développement de son village.

On lit la presse locale

Et on se dit que c’est un sacré torchon. On néglige délibérément que dans la Grande Ville, celle où l’on vit à 200 à l’heure, il y a aussi une presse locale qui ne vaut guère mieux, mais qu’on achète jamais. Sinon, on saurait que partout en France on inaugure des ronds-points et on fait des kermesses au profit d’associations à la con. La mauvaise foi est le propre de l’expatrié.

On bouffe comme quatre

Pression de la famille, « t’es tout maigre! », redécouverte du terroir et fouilles dans le congélateur des parents, celui dans lequel on pourrait cacher un cadavre humain… Plusieurs facteurs expliquent qu’on revienne ballonné de son week-end, même si on accuse un peu facilement la tendance locale à beurrer à peu près tout ce qui peut l’être.

On remplit des sacs de provisions

Votre famille, consciente du déracinement que cela représente de travailler à 120 kilomètres de la maison qui vous a vu grandir, charge votre besace de produits qui ne sont certainement pas disponible dans les commerce de votre nouvelle ville : lait entier, pâtes en forme de lettres de l’alphabet et chocos BN à la vanille. En échange de ce kit de survie, vous serez tenu d’annoncer que vous serez de retour dans les prochaines semaines. N’oublie pas ta doudoune, elle est sèche.

Et vous, vous le sentez bien ce retour ?