Généralement, les interviews de personnalités sont toutes semblables : une litanie de questions prévisibles mettant en valeur leur parcours et la qualité du truc qu’ils sont venus défendre dans le cadre de la promo, le tout avec pas mal de brosse à reluire et des sourires bright. Heureusement pour nous (moins pour les people dépressifs concernés), certains interviewés se permettent de sortir du cadre policé de l’exercice pour raconter des trucs qui donnent envie de se tuer, certes, mais qui au moins donnent envie de quelque chose d’autre que d’arrêter d’écouter.

Gérard "Bonne ambiance" Hernandez

Gérard Hernandez s’est mis à pleurer au micro de « L’instant de luxe » en évoquant sa vieillesse. Quelques morceaux choisis : « Il me faut une heure pour marcher.(…) Ce n’est pas beau de vieillir, ce n’est pas beau. (…) J’ai peur pour mon épouse, et elle a peur pour moi. On n’en parle pas trop. Mon truc c’est de plaisanter, de déconner et quand je déconne beaucoup c’est que ça ne va pas très bien. (…) Je ne vais jamais chez le médecin pour éviter qu’il me dise (que je ne suis pas en bonne santé), mais si je me demande où j’ai mal, je peux faire l’inventaire : partout. Sauf aux orteils. (…) Ah, la vieillesse… Il y a quelques années, je pouvais mettre mon chiffre à l’envers. Par exemple 82, ça faisait 28. Maintenant, même si je le mets à l’envers, ça fait vieux. À l’envers, ça fait 78. »

Une idée pour aller mieux ? Tenir jusqu’à 90. A l’envers, ça fera 9 ans.

James "on vit une époque formidable" Gray

En promo pour Ad Astra, James Gray a livré une interview bonne humeur à Libération en envoyant bouler son attaché de presse. Entre autres choses, il évoque sa « médiocrité » : « John Ford a tourné plus de 100 films ! Quand il fait la Chevauchée fantastique ou Qu’elle était verte ma vallée, il avait probablement déjà plus de 50 films derrière lui. On n’a plus l’opportunité de développer ce niveau de savoir-faire désormais. Si vous vous foirez avec votre deuxième film, c’est fini. Vous êtes fini. (…) C’est une tare que j’ai, de ne pas avoir su abattre ce mur entre les enjeux de fabrication et ce que j’essaie profondément d’exprimer d’un point de vue très intime. Et… c’est mon grand regret de ne pas être assez bon. (…) On rêve de pouvoir produire du travail de très haute qualité, de s’y investir, fabriquer quelque chose qui reste, et l’on se retrouve in fine à juste œuvrer à quelque chose qui soit regardable. J’en conçois une terrible et systématique déception vis-à-vis de tout ce que j’ai fait. C’est très dur de vivre avec cela. J’ai lutté avec la dépression (…) car c’est là tout le drame d’ambitionner de faire quelque chose qui soit merveilleux mais de ne pas pouvoir faire mieux qu’essayer de l’empêcher d’être horrible. (…) Je suis tellement déçu par moi-même (…), il y a des manques dans mon cinéma, (…) cette part magnifique de la vie m’est inaccessible. Je suis incapable d’en mettre au jour la part drôle, joyeuse. C’est une réelle carence de mon travail, et je l’ai toujours déploré. (…)Peut-être que je me plante et que les gens qui font Avengers ont raison. Peut-être ces gens sont-ils en train de fabriquer ce que l’on regardera dans 2 000 ans comme l’équivalent de l’Enéide. »

Une idée pour aller mieux ? Réaliser un Avengers et partir à Bora-Bora avec le fric ? Sinon, on a plein de conseils utiles contre la dépression.

Françoise "Bouffée d'air frais" Hardy

Il y a un an, Françoise Hardy était interviewée et comme à chaque entretien depuis environ 4 ou 5 ans, elle parlait de son cancer et de la mort à venir. Toujours une vraie bouffée d’air frais : « Apparemment, la tumeur est éradiquée. Mais elle peut revenir, on ne sait jamais avec ces trucs-là, c’est sournois. Les effets secondaires de la radiothérapie sont épouvantables. Je passe vraiment par une période extraordinairement difficile, parce que quand vous n’avez pas de salive, vous ne pouvez pas vous alimenter ou vivre normalement. (…) Je passe le plus clair de mon temps passe à voir les médecins, faire des examens. (…) J’ai perdu l’audition d’une oreille à cause d’une radiothérapie. (…) Je ne suis pas sûre d’arriver à chanter à nouveau. (…) Mon moral chute. »

Une idée pour aller mieux ? Se dire que s’il croit un jour qu’il l’aime il ne le considérera pas comme un problème et courra et courra jusqu’à perdre haleine pour la retrouver.

Anémone, la déconneuse

Pendant dix ans, Anémone, à présent décédée, a passé ses interviews à traîner une morgue pas possible. Et tout le monde en prenait pour son grade…

Ses enfants : « J’ai regretté toute ma vie d’avoir des gosses (…) Les enfants, ça bouffe, ça bouffe et après ça fout le camp ! Ça vous pompe tout les gosses. Quand vous en avez, vous dites adieu à votre vie, à votre personne, à tout ! » Le métier et l’époque, lorsqu’elle s’apprêtait à prendre sa retraite : « Le fric s’est emparé de tout, partout ! Quand j’ai commencé dans les années 1980, ça allait encore, là, c’est insupportable… Non (je n’aime plus ce métier). Il n’y a plus moyen d’exercer. Il y a toute la sauce autour, maintenant… Bon débarras ! Rien ne me manquera. »

Son moral : « En ce moment, je suis assez déprimée… On s’est fait traiter de tous les noms quand on était écolos de la première heure, quand on disait qu’il fallait se bouger. Aujourd’hui, quand je dis que c’est trop tard, on ne me croit toujours pas. C’est une souffrance assez intense. Ça va aller de pire en pire, il n’y a plus d’eau, les sols crèvent, on va sûrement avoir des épidémies, des famines, une guerre nucléaire… »

Une idée pour aller mieux ? Trop tard.

Jean-Louis "Marrons-nous" Trintignant

Jean-Louis Trintignant n’a jamais été à proprement parler un joyeux drille mais le décès de sa fille n’a pas précisément arrangé les choses. Depuis 5 ou 6 ans, il ne joue plus que des rôles de mecs qui vont mourir chez Haneke et ses interviews suivent. En 2018, voilà ce qu’il racontait sur Inter où il était interviewé pour parler d’un spectacle sur Piazzolla (grosse ambiance, les tangos de Piazzolla, aussi) : « Je suis mort il y a quinze ans. Il y a quinze ans que ma fille et morte et c’est vrai que c’est la chose la plus importante de ma vie. La mort est partout dans le spectacle. Il faut en parler, il ne faut pas en faire quelque chose de secret, de mystérieux. Moi j’espère qu’on dormira mais je n’en suis pas sûr. J’ai peur de la mort. » Cette même année, il parlait cancer dans Nice Matin : « Je ne me bats pas. Je laisse faire. Je ne fais pas de chimio, même si j’y étais prêt. Je ne me déplace plus tout seul, j’ai toujours besoin d’avoir quelqu’un auprès de moi pour me dire : ‘Attention, tu vas te casser la gueule' ».

Une idée pour aller mieux ? Regardez un bon fell-good movie.

Jeanne "La patate" Mas

L’an dernier, à l’occasion d’un comeback pas forcément tonitruant pour la sortie de sa biographie, Jeanne Mas écumait les plateaux télé et radio et évoquait son adolescence, au cours de laquelle elle avait fait une tentative de suicide. Et de là à évoquer sa mort, il n’y a qu’un pas : « J’ai une relation avec le suicide qui est très saine. Se suicider, c’est contrôler sa vie. Je trouve ça parfait. Moi je pense que je me suiciderai. Je contrôle tout dans ma vie, je ne vais pas me faire contrôler par la mort. (…) Si la vie, tu ne la vis pas positivement, ça devient un fardeau. Ça ne sert à rien de vivre avec un fardeau. Il faut vivre souriant, positif. »

Une idée pour aller mieux ? Se rappeler de sa toute première fois, toutoute première fois ?

Michel "Tous mes amis sont morts" Drucker

Outre son hommage à Johnny devenu meme pour toute une génération, Michel Drucker est un habitué des évocations morbides : forcément, aussi, puisqu’il a connu tout le monde en squattant la télé pendant 50 ans. Mais alors quand il s’agit de son frère, ce n’est pas précisément joyeux joyeux : « Il est mort dans des circonstances épouvantables. Il y a très peu d’exemples où on meurt d’une crise d’asthme, il doit y avoir 2000 cas en France, ce qui est rien. Il a fait une crise d’asthme en Provence, à côté de chez moi, on était voisin et il nous a quitté de façon dramatique le weekend où on allait s’associer. »

Une idée pour aller mieux ? Se préparer pour le prochain.

Catherine "pêchue" Laborde

Diagnostiquée depuis 2017 de la maladie de Parkinson, Catherine Laborde en parlait sans trop de fard en 2018. Et encore une fois, c’est l’éclate : « Aujourd’hui, au moment où je vous parle, je vais plutôt bien, mais ma maladie est très imprévisible. Mon état peut changer d’une heure à l’autre. Cette maladie entraîne de nombreux problèmes physiques et psychologiques. C’est difficile de vivre avec elle. Elle m’enferme terriblement dans la solitude. C’est une sorte de vieillesse prématurée. »

Une idée pour aller mieux ? Regarder la météo marine ?

Sheila, "boute-en-train" de première

En juillet 2017, le fils de Sheila et Ringo est mort d’une overdose à 42 ans : « La mort de son enfant est inconcevable. Impossible. J’apprends à vivre avec ma souffrance. Il faut combler le désespoir qui, lui, ne passe pas. Je me suis dis à un moment : je vais partir loin, très loin. Je ne suis pas suicidaire, même si dans des instants de grand désespoir, une folie est toujours possible. J’ai perdu mon unique enfant. Un bout de moi. Le jour de sa mort, c’est comme si on m’avait arraché une partie de mon corps. (…) C’est un mal de vivre insurmontable. »

Une idée pour aller mieux ? Un nouveau virage disco.

Patrick "MDR" Chesnais

En 2007, le fils de Patrick Chesnais s’est tué dans un accident de la route. Le conducteur de la voiture où il se trouvait était ivre et lui aussi. Patrick Chesnais en parle et ça fout bien bien bien le bourdon : « Je voyais, lui, allongé pour toujours dans cette boîte, juste devant moi, porté par des costauds des pompes funèbres, calme, éteint, définitivement mort… Je me disais que j’aurais dû mieux le protéger et que c’est moi qui aurais dû être dans cette boîte… Je n’ai pas été un bon père. Un bon père, ça empêche son fils de mourir à vingt ans ».

Une idée pour aller mieux ? Prendre un chat ?

Je sais pas vous mais moi j’ai la forme. D’ailleurs, en parlant de forme, on a aussi un top d’idées reçues sur la dépression assez festif.