A huit ans tu en rêvais jour et nuit, parce que c’était intrinsèquement lié à l’adolescence et à l’époque c’était pour toi synonyme de cool. Puis tu y as eu droit, tu es sorti de chez l’orthodontiste avec l’impression tenace que toutes tes dents allaient tomber.

Ce n’était que le début…

Quand on t'a expliqué que tu avais interdiction formelle de manger chewing-gums et carambars

Même qu’une fois tu as voulu te rebeller, que ledit carambar s’est agrippé à tes dents de devant, et qu’en tirant tu as décroché toutes tes bagues une à une en pleurant.

Quand ton orthodontiste n'a pas coupé le fil de fer assez court et que ça t'a creusé l'intérieur des joues

Et quand tu as avalé la pâte dégueulasse qui servait à les protéger.

Quand manger du jambon cru était une mission parce que oui le gras s'accroche dans l'appareil

Et tu te retrouves avec un morceau qui pendouille dans la gorge et tu t’étouffes comme une merde.

Quand le bout de ta langue est tout râpé à force de se frotter à ta barre de contention

Douleur minime, certes, mais qui te ruine toute capacité de concentration. On te parle mais ton cerveau répète inlassablement « Ça pique un peu ,attend si je la roule sur elle même, si je la coince sur la gauche, raah ça fait mal putain. »

Quand ton fil de bagues se détachait en croquant une pomme

Mais reste miraculeusement accroché sur une dent. Et qui depuis se balade donc en toute liberté dans ta bouche, pendant que tu t’appliques à plaquer ta langue au palais en permanence pour éviter tout contact piquant.

Le curry qui colorait les élastiques en jaune fluo pour deux semaines

En fait quand on y réfléchit, il n’y a pas un aliment que tu chérissais dont le port d’appareil dentaire n’a pas compliqué considérablement la dégustation.

L'appareil de nuit plein de bave qui trempait dans un verre d'eau toute la journée

Et qui finissait par puer la mort même si tu le nettoyais avec application tous les matins. Et que tu étais censé porter deux heures par jour, ce que, par respect pour ta vie sociale naissante, tu ne faisais jamais.

La peur panique de rester coincé(e) en roulant ta première pelle

Et de devoir appeler quelqu’un pour qu’il vous sépare. Et qu’avant que cette personne n’y parvienne, la moitié du collège se soit réunie autour de vous pour prendre des photos.

Quand chaque bague sur chaque dent imprimait un aphte différent sur l'intérieur de tes lèvres.

Et que ton sourire pâtissait grandement des techniques que tu développais pour tenir tes lèvres à distance de cet engin de la mort.

Les tâches blanches sur les dents quand on te retirait tes bagues

Oui mais au fond tu étais tellement occupé à passer et repasser amoureusement ta langue sur tes dents si nouvellement douces et lisses que tu étais prêt à accepter cette dernière épreuve le cœur plein de joie.

Allez, pas d’amertume, vous avez de toutes belles dents maintenant.