« T’as fait quoi hier soir » est en passe de devenir le nouveau « Tu fais quoi dans la vie ». Autrefois, les chômeurs étaient méprisés, mais à présent qu’ils sont nombreux, on est bien obligé de changer de regard sur eux. En revanche, l’idée que le travail ne fait qu’encadrer l’amusement est tenace. Alors comme ça, on serait obligés de s’é-cla-ter tous les soirs, de faire des super activités, d’avoir une vie de rêve.

Se faire un solitaire, un vrai

Celui avec le petit plateau en bois et les petits pions nuls auquel tu ne gagnes jamais. Tu peux recommencer jusqu’à passer une longue soirée d’enfer, de façon, en plus, à être crevé le lendemain matin et toute la semaine qui s’ensuit. Mon conseil est de faire des pauses toutes les 5 parties pour essayer de réussir une fois dans sa vie à gagner au bilboquet.

Bande originale tristoune indicative : l’intégrale Barbara-Reggiani (aka les déconneurs).

Enchaîner 3 rendez-vous Tinder

Puisque de toute façon on sait que ça ne donnera rien, autant multiplier par 3 les moments de malaise, les questions qui se veulent décalées (« qu’est-ce que tu ne fais pas dans la vie ? »), l’alcoolémie générale et la frustration qui en découle. Cette solution a l’avantage de réhabiliter le speed-dating, activité triste s’il en est, tout en garantissant un niveau de solitude maximal. Conseil : choisir des rendez-vous bien loin les uns des autres de façon en plus à se taper le maximum de métro.

Bande originale tristoune indicative : la même chanson en boucle pour accentuer l’impression de répétition infinie.

Regarder les jeux paralympiques toute la soirée

Ne pouvoir en parler à personne le lendemain. Se demander comment les personnes handicapées passent leur soirée. Se rendre compte qu’ils passent probablement de meilleurs moments que toi.

Bande originale tristoune indicative : les commentaires malaise de France télé au volume maximal.

Aller tout seul dans un bar PMU jouer au flipper

Ce qui est cool quand on est seul dans un bar, c’est qu’on boit beaucoup plus vite puisqu’on ne parle à personne. Une fois l’alcoolémie bien montée, on parle à tout le monde. Le problème, c’est que les seules personnes disposées à te parler dans un bar PMU le lundi soir ont plus de cinquante ans et un glaucome. Une manière de diversifier son tissu amical ou d’obtenir un aperçu furtif sur sa vie future si on continue comme ça.

Bande originale tristoune indicative : le dernier album de Renaud pour mesurer la déchéance qui nous attend.

S'engueuler à propos de politique nulle jusqu'à se fâcher

– Moi Sarko-Le Pen, je vais pas voter.

– T’es malade ? T’es irresponsable ?

Allez-y élevez la voix, coupez la parole, commencez à déterrer les dossiers, sortez les insultes et les accusations débiles, ça devrait permettre de vous mettre d’accord. .

Bande originale tristoune indicative : Fleurent-Didier, France Culture et autres trucs hâbleurs associés.

Tester des drogues tout seul

Mélanger les drogues, c’est encore le meilleur moyen de s’occuper : on peut jouer à étirer ou raccourcir le temps selon son envie du moment, et on peut même se fabriquer des amis grâce aux hallucinations. « J’aurais vraiment dû prendre le numéro de ce lapin aux yeux injectés de sang avec qui j’ai passé la nuit » est une pensée commune pour qui pratique ce type d’activité.

Bande originale tristoune indicative : du rock psychédélique joué par des artistes morts avant 30 ans .

Faire un super repas

3 heures de préparation, 50 balles dépensées dans une pièce de bœuf exceptionnelle, une sauce maison de première classe, des légumes émincés et une purée de patates rares, un Saint-Honoré maison pour la douceur au dessert, bon bourgogne et bon cognac. Je m’installe seul à table et je mange tout ça en 5 minutes. Je rote. Je vais me coucher.

Bande originale tristoune indicative : Brel, A mon dernier repas. France Gall, Si maman si. (Le repas ne durera pas plus de deux chansons).

Faire une grande balade en se croyant dans un film noir

Paris canaille, mais Paris l’amour, Paris la nuit, Paris voyou, les lumières jaunes et l’aventure à chaque coin de rue. La promenade années 60, on en rêvait : laissons-nous porter, on flotte. Ah non : IL flotte. Il flotte dur. Merde, je n’ai pas de trench-coat. Ah merde, j’ai pas d’argent non plus. Où je suis, là ? Près d’Austerlitz où il y a rien. Et j’habite où ? Porte de Clignancourt, c’est vrai. Il est quelle heure ? Merde plus de métro. Allez, c’est l’aventure, on s’en fout, l’eau, ça s’évapore : je vais aller parler au mec qui taille un bout de bois avec son couteau et qui collectionne les portables, peut-être qu’on pourrait vivre l’aventure ensemble.

Bande originale indicative : Miles Davis, Kind of blue, mais vous risquez de n’écouter que Kind of et jamais blue après qu’on vous aura chouravé le portable.

Aller d'un point A à un point B en prenant toutes les lignes de métro et sans jamais repasser par la même station

C’est techniquement possible et techniquement très long. Au-delà de 6 heures dans le métro, une légende urbaine raconte qu’on meurt d’un AVC des yeux lié à la lumière des néons. En plus, tes collègues risquent de ne pas avoir la réaction admirative attendue lorsque tu leur raconteras ta soirée.

Bande originale indicative : les bruits exaspérants du métro.

Rejoindre des copains pour une super soirée à l'autre bout du monde

Se rendre compte que c’est une soirée jeu avec exclusivement des inconnus, lesquels mangent dans des verrines des trucs auquel tu es allergique. Demander un verre de vin, obtenir du jus d’orange, se faire expliquer six fois les règles du jeu, perdre, regarder l’heure (minuit) quand tout le monde part, attendre que quelqu’un propose de te ramener car ils sont tous en voiture, prendre le RER pour rentrer. PLEURER.

Bande originale tristoune indicative : La solitudine de Laura Pausini.

On aurait également pu parler de se faire une intégrale des Chiffres et les lettres ou de payer ses factures en retard. Mais on n’a pas pu TOUT tester pour vous.