Le monde de l’enfance est peuplé de personnages merveilleux évoqués en toute naturalité par nos grands menteurs de parents, lesquels ont tout de même raison de parler de la petite souris plutôt que du percepteur pour nous préserver contre les difficultés de la vie future. Mais ces légendes ne sont pas propres à chaque famille : on les retrouve dans tous les foyers, parfois partout dans le monde. Qui a eu l’idée d’inventer l’histoire d’une petite souris qui changerait les dents en pièces ? Et pourquoi tout le monde s’en est-il emparé ? C’est qu’elle est quand même bizarre cette histoire.

La petite souris

Qui est capable de transformer des dents de lait en pièces de monnaie ou en cadeau ? A part la petite souris, je ne vois pas. En réalité, l’histoire vient d’un conte anglais publié en 1927, The Tooth Fairy, soit La Fée des dents, dans lequel une fée apparaît la nuit pour récupérer des dents de lait cachées sous l’oreiller et les changer par une pièce de monnaie. Dans les années 50, le conte fit des émules. Le personnage de la petite souris est typiquement français, les Anglais ayant par exemple conservé le personnage de la fée ; il vient d’un syncrétisme avec un conte plus ancien, La bonne petite souris, populaire sous Louis XVI et qui racontait l’histoire d’une fée transformée en souris qui se cachait sous des oreillers. Dans les pays latins, le personnage de la petite souris prédomine, tandis que les pays anglophones et germanophones privilégient la légende de la fée des dents.

Le Père Fouettard

Au départ, le père Fouettard est l’acolyte méchant de Saint-Nicolas. Avec son fouet, il punit les enfants pas sages, tandis que Saint-Nicolas, lui, distribue les cadeaux. Ce personnage est issu de la tradition orale du grand Est. Les Lorrains et les Alsaciens lui attribuent une origine différente, les premiers faisant remonter l’origine du Père Fouettard au siège de la ville de Metz par Charles Quint en 1552, les seconds lui attribuant les traits d’un maréchal brutal qui dominait la région au XVIII° siècle.

Le lapin de Pâques

Cloches ou lapin de Pâques ? Les cloches sont directement issue de la tradition catholique, alors que le lapin a, lui, une origine mi-protestante, mi-païenne. En Allemagne, le lapin symbolisait la renaissance et le printemps et a donc naturellement été associé à la fête de Pâques, d’autant qu’une légende racontait qu’une femme pauvre avait offert des oeufs à ses enfants pour la Pâques et que ceux-ci, apercevant un lapin, avaient cru qu’il avait pondu lesdits oeufs. C’est le lapin qui apporte le renouveau et distribue les oeufs, donc. Ce principe des oeufs au chocolat a été associé au lapin à partir de la grande immigration allemande aux Etats-Unis, au XIX°, avant de nous revenir avec la mondialisation.

Les cigognes qui apportent les bébés

Encore une légende alsacienne : d’après celle de la fontaine aux enfants, il existait autrefois un lac sous la cathédrale de Strasbourg au sein desquels les âmes des enfants attendaient leur naissance. Pêchées par un genre de gnome, les âmes étaient ensuite confiées aux bons soins d’une cigogne qui allait déposer l’âme dans les berceaux des nouveaux-nés. Du coup, il était de coutume de placer des trucs sucrés sur les rebords des fenêtres pour attirer les cigognes et ainsi favoriser ses chances de tomber enceinte. Et voilà d’où nous vient l’histoire des cigognes.

Le marchand de sable

En gros, il existe deux explications au marchand de sable. La première vient du XVII° siècle quand, dans de nombreux pays européens, on associait le sable dans les yeux à une folle envie de les fermer ; la seconde vient d’une nouvelle de Ernst Hoffman, publiée en 1817, l’Homme du sable. Celui-ci passait dans les maisons et jetait du sable sous les yeux des gens pour les obliger à les clore et ainsi tomber de sommeil. Ce personnage du Sandmann, d’origine germanique, a donné notre marchand de sable, l’idée qu’il soit commerçant venant probablement du fait qu’étant de passage de maison en maison, il se comportait comme un marchand ambulant.

Les bébés qui naissent dans les choux

Là encore, il existe deux origines qui se rejoignent : d’une part, une tradition qui remonte à l’Antiquité et qui veut que le chou soit un symbole commun de fécondité. Ainsi, les jeunes mariés se faisaient servir de la soupe aux choux le soir des noces au Moyen-âge. La deuxième vient d’une histoire de la mythologie grecque selon laquelle lorsqu’Agamemnon était parti en guerre, son épouse accoucha de filles et de garçons qu’elle enveloppa comme elle pouvait dans des trucs qui traînaient à savoir des feuilles de chou, pour les garçons, et des pétales de rose, pour les filles. Le truc est resté.

Le Père Noël

Dérivé de diverses traditions associant Saint-Nicolas ou le petit Jésus, le père Noël est apparu au XIX° siècle. C’est aux Etats-Unis que naît le personnage, sous l’influence des légendes protestantes apportées par les immigrants germaniques et du Nord de l’Europe. Son nom, Santa Claus, est directement lié à celui de Saint-Nicolas. En 1821, un bouquin écrit par un Néerlandais évoque le personnage de Santeclaus, un vieil homme chargé de distribuer des cadeaux aux enfants depuis son traîneau tiré par les rennes. Bref, tout est là : on donna à ce personnage des attributs propres à Saint-Nicolas, à commencer par la barbe blanche et ses vêtements rouges, et on lui ajouta les rennes et le bonnet dans les illustrations. Son apparence est fixée en 1863 dans des journaux britanniques. Le rôle de Dickens, qui publie des contes sur Noël au milieu des années 1850, est capital pour la fixation de la tradition au Royaume-Uni, puis aux Etats-Unis. Ensuite, d’autres auteurs terminent d’élaborer le folklore, évoquant la fabrique de jouets du pôle Nord, les lutins, et tout le toutim.

Le croque-mitaine

On ne connaît pas exactement l’origine du croque-mitaine, mais l’on sait qu’il existe dans quasiment toutes les cultures et à toutes les époques. L’idée est d’en faire un personnage terrifiant pour dissuader les enfants de faire les cons à l’heure de dormir. Le croque-mitaine portera des noms différents selon la région du monde et menacera l’enfant différemment : il peut lui arriver de manger les petits enfants ou simplement de leur faire peur. Le nom croque-mitaine vient probablement d’un dérivé de l’ancien français mite qui désignait le chat : le croque-mitaine est donc le mangeur de chats. Des évoquations de personnages similaires sont déjà lisibles chez Platon.

On nous raconte des âneries.