Quand il s'agit de soutirer du blé, parfois l'escroquerie devient du génie malfaisant. Il faut juste une idée, un pigeon et de solides roustons pour transformer une filouterie de bas étage en une bonne grosse arnaque internationale qui vous propulsera, si vous tombez, à la une des journaux (et en prison). Voilà les mecs qui ont gagné leurs épaulettes d'escrocs cultes à force de mensonges énormes, d'audace folle et de verve imparable. Plus que de simples imposteurs, on a ici à faire à de véritables pirates sociaux, entre génie et folie totale.

  1. Victor Lustig, l'homme qui vendit la Tour Eiffel
    1927, la Dame de Fer a 36 ans et les journaux pointent du doigt les coûts d'entretien du symbole parisiano-phallique rouillé. Germe alors dans l'esprit de Victor Lustig, escroc et imposteur tchécoslovaque professionnel, de la vendre à un ferrailleur. Il envoie des invitations à en-tête de la ville de Paris aux 5 plus gros ferrailleurs de la région et sort le grand jeu. Gueuleton au Crillon, limousine et coupe-file pour aller visiter l'objet de l'escroquerie. Un pigeon mord à l'hameçon, il ne pouvait s'appeler qu'André Poisson. Il verse une énorme commission à l'aigrefin tchécoslovaque pour être placé en haut de la liste des acheteurs. Se rendant compte de l'arnaque, Poisson n'osera même pas porter plainte, de peur que le monde entier se paie sa fiole. Après avoir échoué à la vendre une seconde fois, Lustig se réfugie aux États-Unis pour vendre des machines à imprimer les faux billets, notamment à Al Capone, avant de se faire arrêter en 1934.
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    Crédits photo (creative commons) : Gobonobo
  2. Jean-Claude Romand, le médecin imaginaire
    Pendant 18 ans, Jean-Claude Romand a fait croire à sa famille et ses proches qu'il menait une brillante carrière de médecin et de chercheur à l'Organisation Mondiale de la Santé. En réalité le docteur maboul n'a jamais dépassé la seconde année de médecine et vit de sommes d'argent escroquées à son cercle d'amis sous promesse de juteux placements en Suisse ou la vente de faux médicaments contre le cancer. Les ennuis commencent en 1988, lorsque son beau-père demande le remboursement de ses billes helvétiques. Il meurt quelques jours plus tard d'une chute dans l'escalier, dont Jean-Claude Romand est le seul témoin, la justice s'en tient à la thèse de l'accident. En 1993, Romand est acculé financièrement et sa famille commence à subodorer un je-ne-sais-quoi de louche. Il tue alors sa femme à l'aide d'un rouleau à pâtisserie, ses deux enfants à la carabine, part déjeuner chez ses parents et leur administre le même traitement. Tant qu'à faire, il tente aussi de tuer son ancienne maîtresse, sans succès. Puis il rentre chez lui, avale des barbituriques périmés depuis 10 ans et met le feu à sa maison. Sauvé par les pompiers venus éteindre l'incendie, il purge actuellement une peine de réclusion criminelle à perpétuité à la maison centrale de Saint-Maur et son histoire a depuis donné lieu à nombre de films, romans et pièces de théâtres. Notons pour la petite anecdote qu'il avait obtenu 16/20 au baccalauréat de philosophie sur le thème "La Vérité existe-t-elle ?"
  3. Bernard Madoff, la pyramide écroulée
    Comme Harpagon, Don Juan ou Pénélope avant lui, le patronyme "Madoff" est devenu une antonomase, l'incarnation de l'escroc dans un petit mec à l'air contrit. Et c'est pas immérité vu le palmarès de "Bernie la coulure", qui a débuté sa carrière comme maître-nageur sauveteur sur les plages de Long Island. Il abandonne ses études de droit à 22 ans et se lance dans les affaires avec $5000 en poche. 48 ans plus tard, Madoff possède l'une des principales sociétés d'investissement de Wall Street, un appartement luxueux à Manhattan, des villas en Floride et sur la Côte d'Azur, sans compter une sacrée tripotée de yachts. Pour assurer son train de vie et son attrait pantagruélique pour la cocaïne, tellement que son bureau new-yorkais est surnommé "le Pôle Nord", Bernard s'appuie sur une escroquerie vieille comme le monde, le système de Ponzi : une pyramide inversée qui tient tant qu'elle grandit et que les investisseurs à la base ne cherchent pas à récupérer leur pognon. Ce que beaucoup de clients du prestidigitateur de la finance chercheront à faire lors de la crise de 2008, levant ainsi le voile sur la plus grande escroquerie financière de l'histoire, une bagatelle de 65 milliards de dollars selon les estimations. Du coup, Nanard en a pris pour 150 ans et devrait sortir de zonzon pour fêter ses 217 printemps. Attention à la récidive.
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    Crédits photo (creative commons) : U.S. Department of Justice
  4. Christophe Rocancourt, le kid de Honfleur
    Voilà un petit gars bien de chez nous, qui a eu l'élégance d'exercer la majeure partie de son apostolat aux États-Unis. Christophe se fait passer pour un ex-champion de boxe ou de Formule 1, fait croire à Jean-Claude Van Damme qu'il va produire son prochain film, devient le meilleur pote de Mickey Rourke, vit dans la suite de "Pretty Woman", prétend être fils de comtesse, sort avec des playmates, escroque des trafiquants de drogue et Michel Polnareff, voyage en jet privé, etc. C'est Martine chez l'Oncle Sam. Passé par la case prison et toujours redevable d'un million de dollars à ses diverses victimes, Rocancourt rentre en France en 2005. Il fait paraître deux autobiographies, apparaît dans un clip de Tunisiano, présente une émission sur National Geographic et vit une aventure avec Sonia Rolland. Rangé des voitures, le kid de Honfleur ? Même pas, puisqu'il est condamné à 578 000 euros d'amende en 2012, pour abus de faiblesse sur la réalisatrice Catherine Breillat. Il déclare à la sortie de son procès : "On payera 20 euros par mois pendant 2000 ans." Taquin.
  5. Otto Witte, le clown qui devint roi
    Otto Witte a un CV pour le moins hétéroclite. Equarisseur, captureur d'animaux, scaphandrier, légionnaire, illusioniste mais surtout clown. Profession qu'il exerce en 1912, lorsque l'Albanie déclare son indépendance et demande au neveu du sultan de l'Empire Ottoman de devenir son roi. Constatant sa ressemblance avec le futur monarque, Otto se dit qu'il ne cracherait pas sur un petit job saisonnier. Il achète un costume et une fausse moustache puis envoie un télégramme aux autorités albanaises pour annoncer son arrivée. Pas là pour vendre des sapins, Otto annonce dans son premier discours qu'il déclare la guerre au Monténégro et que son harem sera désormais constitué de filles du peuple. Beau geste. 2 jours après son couronnement, les autorités découvrent le pot-aux-roses et Otto s'enfuit avec le trésor royal grâce à ses courtisanes. Par la suite, le clown qui devint roi vécut tranquillement en Allemagne et mourut 45 ans jour pour jour après son couronnement. Pas peu fier, il avait fait inscrire sur sa carte d'identité, et plus tard sur sa pierre tombale, "Ancien roi d'Albanie". Il se plaignit même auprès de la chancellerie de Monaco de n'avoir pas été invité au mariage de Rainier et de Grace Kelly, en sa qualité d'ex-monarque.
  6. James Hogue, l'orphelin autodidacte
    Comme tous les mecs de ce top, James Hogue brille par un culot sans limite. En 1986, il se fait passer pour un orphelin du Nevada auprès de l'administration d'un lycée de Palo Alto dans lequel il s'inscrit en empruntant l'identité d'un enfant disparu. Un journaliste local le démasque et le petit James reprend la route. Utilisant le même stratagème, il rentre l'Université de Princeton en 1988 sous le nom d'Alexi Indris-Santana, un orphelin autodidacte de l'Utah. Il explique dans son dossier qu'il a dormi à la belle étoile dans le Grand Canyon où il élevait des moutons en lisant de la philo. Et ça passe. Pendant 2 ans il vit sous le nom de Santana et se fait remarquer par ses performances en athlétisme. Il sera cette fois démasqué par un ancien élève de Palo Alto qui prévient le journaliste qui l'avait dénoncé une première fois. L'histoire se répète et James est condamné à 3 ans fermes. Il a refait parler de lui récemment après avoir volé plus de 7000 objets chez divers employeurs où il servait d'homme à tout faire.
  7. Robert Hendy-Freegard, l'espion qui m'a dupé
    Parfois, l'escroquerie va tellement loin qu'elle fait froid dans le dos. Si Hendy-Freegard n'avait été motivé que par l'argent, bon, on aurait compris, mais son histoire va beaucoup plus loin. Ce barman britannique s'est fait passé pour un agent du MI5 et a réussi à convaincre plusieurs personnes qu'elles étaient traquées par l'IRA. Il leur extorquait de l'argent, des faveurs, les manipulait et les poussait à faire des "tests de loyauté" totalement farfelus visant à prouver qu'ils étaient dignes d'être des agents du MI5. Ses victimes vivaient recluses, restaient enfermées des semaines et refusaient de parler à la police de peur qu'ils soient des agents doubles. Pour plus de détails, et si l'anglais ne vous fait pas peur, jetez donc un oeil ici, le mec était zinzin.

Vous en connaissez d'autres ?

Top écrit par Ignatus