Le faux compliment est une discipline artistique qui mériterait d’être représentée aux Jeux olympiques d’été. Un véritable art qui allie la dextérité de diction, la violence de l’effort, le savoir-vanner, le soutien du public et le don de soi. Tout ça ne s’acquiert pas en un jour, mais un certain nombre de règles facilement observables vous permettront de progresser sereinement.

Toujours taper là où ça fait mal

Et là où l’autre va comprendre que ça fait mal. Sous-entendre à quelqu’un de bête qu’il est bête, c’est s’exposer à une incompréhension de sa part, puisque les imbéciles ne se savent pas imbéciles. En revanche, attaquer au physique ou à la calvitie, tout ce qui peut être objectivement complexant, c’est toujours payant. Exemple :

« Non mais sans dec, je pensais que tu les perdrais plus vite et davantage tes cheveux. Là ça va, ça se voit pas trop... ! »

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Il n'a pas souffert, promis

Ne jamais oublier de sourire

On ne sourit pas quand on insulte quelqu’un. En revanche, quand on fait semblant de lui dire à quel point on l’aime, on sourit toujours. De ces sourires un peu faux, assez imperturbables, presque figés, le regard bienveillant, inattaquable la poker face. Il faut également garder ce sourire figé et fixer l’autre une fois le faux compliment distillé, comme pour essayer de conserver avec lui une relation de confiance.

Distribuer son faux compliment en présence d'autres personnes et les écouter pouffer

« Comme d’habitude, une idée brillante de la part de Bryan. » Petit regard circulaire pour se mettre les rieurs de son côté et créer une sensation maximale d’humiliation chez le pauvre Bryan qui ne saura pas bien si les gens regardent vers le bas pour ne pas rire ou parce qu’ils sont atteints de malaise pour autrui.

Prendre les autres à témoin, d'ailleurs

« Une idée brillante… Vous trouvez pas ? » Ou comment ne plus être au centre de l’attention en forçant tout le monde à partager ton point de vue dégueulasse et à se parer de leur plus beau sourire figé à leur tour. Le malaise général et une belle manière de passer pour un sale con.

Prendre sa voix de vieille anglaise et ne surtout pas balbutier

On sait depuis Agatha Christie que personne n’est meilleur qu’une vieille anglaise pour distribuer des faux compliments. Les remarques cinglantes sortent tout à trac comme des coups de serpe : « Ma pauvre fille, tu serais si jolie avec 30 kilos de moins… » Violence gratuite et extrême qui se verrait totalement annihilée en cas d’hésitation.

Ne pas hésiter à l'accompagner d'une main poisseuse sur l'épaule

Le faux compliment est un moment d’intimité forte entre l’agresseur déguisé et sa victime consentante. Pour bien matérialiser cette promiscuité subie, il conviendra de déposer doucement sa main moite sur l’épaule du vaincu comme pour lui signifier que, malgré la défaite, on conserve pour lui le plus intense des mépris. Si la main peut laisser une petite marque de transpiration sur l’autre, c’est encore plus fort.

En enchaîner deux trois de suite pour vraiment générer du chaos

Ils peuvent être de natures différentes ou tout simplement constituer des genres de variations Goldberg autour d’un seul et unique thème. Si l’on reprend la calvitie, on pourrait par exemple imaginer un enchaînement comme celui-ci :

« Non, vraiment Victor, tu t’en sors bien avec ta calvitie, ça se voit presque pas. Tu dois dépenser des fortunes en coiffeur non ? Ah non tu peux pas, c’est vrai que tu galères au chômage, mon pauvre… Tu mérites vraiment mieux que ça… Tu devrais peut-être changer de fringues pour les entretiens, tu sais pas te mettre en valeur. »

Ajouter un petit : "Ca vient du fond du cœur, tu sais."

« Ne me remercie pas. Non, mais je le pense vraiment, et je dis ça pour toi. C’est important, l’estime de soi ! »

Sourire entendu.

Toujours avoir un verre à la main pour te donner une contenance supérieure

Ce qui te permettra d’ailleurs de t’envoyer une petite rasade pour te récompenser une fois ta saloperie lâchée, une main sur ton verre, l’autre sur l’épaule de l’autre avant de regagner ta poche. N’oublie pas de proposer un verre à ta victime, après tout, elle aussi a participé à sa façon de cette petite victoire.

Partir juste après comme un prince

Changer de pièce, entamer une conversation avec quelqu’un d’autre, répondre au téléphone : tous les moyens sont bons pour partir comme un prince après avoir lâché une humiliation de légende. Demandez un peu à Zlatan comment il ferait, lui.

Dans les dents.