Depuis l’assassinat de George Floyd par un policier à Minneapolis, l’Amérique s’embrase : sous la bannière Black Lives Matter, des milliers et des milliers de personnes se mobilisent pour que les noirs cessent de se faire tuer par des policiers dans un climat d’impunité totale et pour en finir avec les discriminations qui touchent les populations afro-américaines. Black Lives Matter, « les vies des noirs comptent », slogan et organisation dont les contours ne sont pas toujours bien identifiés en France.

Quelques statistiques sur les Noirs aux Etats-Unis, hors violences policières

Les Afro-Américains représentent environ 13,6% de la population américaine. Mais ils forment également 40% de la population carcérale du pays et 34% des individus condamnés à mort depuis 1976. Près de 22% des noirs américains vivent sous le seuil de pauvreté, contre 15% de la population totale. Plus dingue encore, le revenu annuel médian des foyers composés d’Afro-Américains tourne autour de 33.000 dollars contre plus de 50.000 chez les blancs et cet écart est resté stable depuis les années 60. Enfin, le taux de chômage des populations noires américaines est deux fois supérieur à celui des blancs. Bref, une discrimination généralisée.

Les noirs sont surreprésentés dans les personnes tuées par la police

C’est simple, un noir a trois fois plus de risques qu’un blanc de mourir sous des balles policières. Sur les dernières années, parmi les personnes abattues par la police, armées ou non, les noirs représentaient 22% du total. Rappelons qu’ils ne forment que 13% de la population totale, en comptant les métisses.

Un homme noir a plus de chance d'être tué par la police que de gagner à un jeu à gratter

Le problème de toutes ces stats, c’est qu’elles ne sont pas officielles, notamment en ce qui concerne les bavures policières. Elles se reposent donc sur des travaux universitaires. Et selon les chercheurs, un noir sur 1000 terminera sous des balles policières, ce qui représente une menace immense, bien supérieure aux probabilités de pouvoir empocher 1000 balles au blackjack.

La mort de Trayvon Martin à l’origine du mouvement Black Lives Matter

En 2012, George Zimmerman jouait aux miliciens en faisant des rondes dans sa résidence. Un soir, il voit Trayvon Martin, 17 ans, en train de marcher dans la rue. Trayvon Martin n’est pas armé. Il ne fait rien de mal. Mais Zimmerman décide d’appeler la police pour signaler la présence de Martin qu’il soupçonne « de préparer un mauvais coup ». Puis Zimmerman descend de voiture et abat l’adolescent à bout portant. Il sera acquitté en 2013 – et vendra l’arme avec laquelle il a tué ce pauvre gosse pour 250.000 dollars aux enchères.

La mort de Trayvon Martin et l’acquittement de Zimmerman mettent le feu aux poudres : en 2013, Alicia Garza, une activiste des droits des Afro-Américains, publie alors une tribune dans laquelle elle utilise cette expression « Black Lives Matter ». L’expression devient un hashtag, puis un mouvement, notamment sous l’impulsion d’une autre militante des droits des immigrants et des noirs, Opal Tometi.

Black Lives Matter est un mouvement de défense des droits civiques

Depuis 2015, le mouvement s’est structuré pour avoir un impact politique et défendre les droits des minorités discriminées, dont les afro-américains, afin d’éviter que d’autres Trayvon Martin ne meurent sous les balles d’autres Zimmermann. Et depuis Trayvon Martin, on ne compte plus le nombre d’afro-américains tués gratuitement par des flics. On en a fait une bien triste liste ici.

Les émeutes et manifestations actuelles se revendiquent du mouvement

Le principal problème, en plus de la surreprésentation des noirs dans les statistiques des personnes assassinées par la police, c’est l’impunité de cette dernière. Les tribunaux finissent souvent par acquitter les auteurs de ces meurtres. La mort de George Floyd, étouffé par un flic alors qu’il était simplement soupçonné d’avoir écoulé un faux billet, a indigné la terre entière. De Minneapolis, où le drame s’est déroulé, la contestation et l’indignation a gagné tout le territoire américain, où les émeutes sont telles que Trump est allé se réfugier dans le bunker de la Maison blanche. Ridicule, mais surtout indigne de la part d’un président qui minimise en permanence l’importance de ces exactions et qui est allé brandir une bible devant une église en faisant gazer des manifestants et en menaçant de faire intervenir l’armée en cas de poursuite des protestations.

La position des leaders politiques

Le problème est également que le pouvoir en place aux Etats-Unis, totalement trumpisé, flatte son électorat ultra-réactionnaire en minimisant ces événements. Le parti républicain suit ce que fait son leader et le parti démocrate est pour ainsi dire inaudible, la candidature Biden, déjà occultée par le coronavirus, n’étant pas à proprement parler synonyme d’activisme sur ces questions sociétales.

Un mouvement pacifiste

Si les émeutes actuelles provoquent des débordements, ceux-ci ne constituent en aucun cas le corps d’action de Black Lives Matter. On trouve dans tous les mouvements des militants radicalisés : lors d’une manifestation en 2016, certains extrémistes ont ainsi lynché des policiers. Ces débordements font bien sûr les affaires de Trump qui les monte en épingle, bien aidé par les médias ultra-conservateurs qui le soutiennent. Mais les représentants du mouvement assurent qu’ils veulent pacifiquement défendre la dignité et la liberté.

Quelle époque formidable.

Sources : Le Point, Le Figaro, France Culture, Ouest France, Rolling Stone